Pourquoi nous sommes nous retrouvés là ?
Cette friche militaire est sans doute le quartier « alternatif » le plus connu au monde. A voir sur le thème « aménager moins » dans la mesure où l’intervention publique y est seulement ponctuelle et périphérique.
Est-ce que cela fonctionne? Est-ce que cela vit bien ?
Un lieu étonnant, dérangeant, très différent de ce que l’on peut trouver dans les autres capitales européennes. Une évolution suprêmement originale de ce qui était à l’origine un glacis défensif autour des bastions qui entourent la ville, transformé par des implantations « sauvages » d’habitants.
Pour nous qui voudrions « aménager moins », il faut convenir, avant d’entrer dans les détails, que le quartier est sur ce point spectaculairement réussi. On a touché au minimum au lieu (en ce qui concerne les espaces publics. D’évidents problèmes de propreté mobilisent les habitants, mais ne mettent pas en péril les parcours et l’espace.
Au-delà des attendus juridiques précis, que nous ne connaissons pas, le contrôle de la collectivité semble s’être exercé par l’absence d’ouverture d’accès à la zone au droit de l’ensemble des voiries qui la bordent. Le quartier est donc à la fois très intégré par sa position centrale et isolé par la rareté des points d’accès.
Il est difficile de prévoir comment va évoluer cette enclave avec la nouvelle loi qui lui accorde un statut et qui transforme la cité libre de Christiania en coopérative de logement social. On peut douter qu’il se recrée un lien entre le point d’entrée urbain du quartier (au nord ouest, colonisés par les vendeurs de colifichets et de substances illicites) et ses zones excentrées mieux préservées (avec leurs baba cool embourgeoisés).
La magie et la séduction sont elles là ?
Il nous faut tout de suite distinguer entre quelques endroits où le tourisme fait déraper le site à la façon d’une « place du Tertre trash », mais dès que l’on s’éloigne, on a le sentiment de quelque chose d’unique. Impression magique d’un lieu ou passants comme habitants « font relâche », dormant, mangeant, s’embrassant, s’oubliant.
Des constructions époustouflantes que l’on peut voir ça et là reproduite dans des livres d’art sur les cabanes ou les architectures extravagantes participent à la fois à la magie du lieu et à son statut de « curiosité ».
On a certainement besoin ici plus qu’ailleurs de ce « quartier de tolérance », ou plus simplement de cet espace de liberté, dans une ville qui manque d’espace intime et qui est marqué par la fluidité de circulations rapides et cohérentes au travers desquelles le flâneur devient une gêne, comme nous avons pu l’expérimenter.
Plus au sud-est, en bordure du quartier, l’expérience migre vers une communauté enclose bo-bo chic confite dans l’entre-soi, avec de minuscules cabanes bien ordonnées aux jardins impeccables lorgnant vers l’art topiaire et drapeaux nationaux au vent, desservies par des équipements et sanitaires collectif et dont les accès, uniquement vélo et piéton sont fermés par des portes métalliques/
Quelles rencontres ?
Des dealers qui voulaient contrôler nos photos (où la marginalité se faisant l’agent du pire contrôle social…), un monsieur très gentil en triporteur chargé d’approvisionnement pour sa cabane, des enfants jouant au trampoline au détour d’un chemin, une japonaise sac au dos photographiant l’écorce d’un hêtre, des amoureux, des alcoolos, de tranquilles fumeurs de shit les pieds dans l’eau…
Gadgets, détails, anecdotes…
Une chaudière bois à granulés dernier cri aperçue par la porte entrouverte d’une cabane, des poubelles de collecte sélectives comme partout ailleurs, mais avec un « look » fantaisie…
Et un carré d’herbe tondu… mais seulement sous la table de pique nique qui s’y trouve.
Du côté du cycliste urbain ?
Un paradoxe : le quartier se définit par l’impossibilité d’un accès voiture, notamment au sud-est où il est bordé par une voie de circulation rapide sur laquelle volontairement aucun accès aux parcelles de « cabanes » n’a été ménagé. Toutefois, les chemins étroits et non revêtus obligent à un rythme très lent et précautionneux au regard de ce qui s’observe dans le reste de la capitale où les cyclistes urbains de tout poil nous paraissent être les plus rapides d’Europe…
On inspecte le matériel (remorques, vélos utilitaires et les installations (abris) des habitants du lieu qui ont choisi l’option « sans voiture ». Les autres sont stationnés au point d’entrée nord du quartier.
La « leçon d’aménager moins » ?
Prendre le risque d’espaces de tolérance où l’aménageur pose son crayon et l’édile tait ses craintes.
A copier, à rêver, ou à oublier ?
A rêver…
Notre tandem d’urbanistes / perceptions croisées :
Pierre, détendu et très marqué par une nature qui prend toute sa place dans la ville et par la sérénité qui se dégage des lieux vs/ Denis, irrité par l’accaparement d’une surface aussi importante au profit d’ultra-privilégiés de fait jouant hypocritement les marginaux (mais heureux de respirer un peu dans une capitale où tout fonctionne au cordeau)
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