C'est quoi l'histoire?

Fatigués par un urbanisme de la surenchère (plus d’équipements, de matériaux, de séparation des flux, de catégorisation des publics, surconcertation, expertises « parapluie », multiplication des règles et des discours sur la règle…

Etonnés que seuls prévalent des argumentaires fonctionnels dans la production d’espace aménagé, alors que la réalité des décisions repose souvent sur l’émotionnel, l’esthétique, la séduction… voire un « star system » de l’urbanisme qui ne dit pas son nom…

Militants de « l’aménager moins », mais soucieux de voir si ça marche vraiment, et à quelles conditions (contrôle social fort ?)…

Nous avons entrepris, en une folle « fashion week » de l’urbanisme, de faire défiler sous nos yeux et sous les roues de nos bicyclettes une vingtaine de sites emblématiques de l’urbanisme de ces dernières années, la dernière collection « Europe du nord », celle qu’il faut porter pour être branchés et durables, en posant à chaque fois la même question :

· Est-ce que cela fonctionne ?
· La magie et la séduction opèrent-elles ?
· Quelles rencontres naissent de cet endroit ?
· A copier, à rêver, ou… à oublier ?

C'est qui ces gars là???

Il s se sont rencontrés en discutant à vélo sur le trajet de l’école. Puis l’un a pris ce chemin ci, l’autre ce chemin là, le loup ne les a pas mangés et ils sont tous deux devenus urbanistes.

Pierre ROCA d’HUYTEZA, qui dirige le bureau d’études toulousain « d’une ville l’autre », est un boulimique de la ville. Urbaniste qualifié par l’OPQU, lauréat du palmarès des jeunes urbanistes en 2005, il est également architecte DPLG. C’est lui qui a eu l’idée de ce périple et en a prévu les étapes, car pour lui « un urbaniste ne voyage jamais assez ».

Denis CARAIRE, qui dirige deux entreprises associatives pour l’habitat à Agen et Bordeaux, est un touche à tout insatiable (musique, pilotage, arts plastiques). Urbaniste qualifié par l’OPQU, il est vice-président du Conseil Français des Urbanistes. Spécialiste du renouvellement urbain et des actions concertées, mais surtout fou de bicyclette, il s’est embarqué avec pliant Brompton en laissant ses trois « pignon fixe » à la maison. C'est lui qui a tenu la plume.

Mise en garde

Les messages de ce blog ne sont pas des descriptions des quartiers visités, très largement documentés par la presse spécialisée, la presse nationale française et des ouvrages parus ces dernières années.

Ils sont juste l’émanation du souhait d’apporter un regard d’urbaniste et un ressenti de citoyen sans prétention à la vérité, mais aussi, pourquoi pas, de créer le débat.

Remarque :

Nous avons été frappés par les photos illustrant certaines publications d’urbanisme concernant les quartiers que nous avons visités… L’usage immodéré du grand angle et la recherche d’un certain esthétisme porte parfois le message photographique assez loin de la ressemblance. En ce qui nous concerne, nous n’avons pas tranché le débat : à Pierre les photos « notations », volontairement pas esthétiques, en grande quantité, dans une illusoire recherche de la « vérité »… à Denis des prises de vues plus parcimonieuses essayant de montrer les opérations sous leur meilleur jour, dans le souci illusoire de « rendre justice » aux quartiers visités.

Dans cet exercice photographique, mais également dans notre perception, les conditions climatiques ont beaucoup joué… on devrait obliger ceux qui donnent un quartier en exemple ou en contre exemple à évoquer dans quelles conditions météorologique ils ont découvert l’endroit…

mercredi 24 juin 2009

6/ Hamburg – Hafen City ( en cours – Allemagne)



Ciel chargé, soleil de fin d’après midi, grains et averses, lumière exceptionnelle, ballon + automobile + marche à pied. Seconde visite à pied, matinée de grand beau temps.

Pourquoi nous sommes nous retrouvés là ?

Un article de Grégoire Allix dans le journal « Le Monde », édition du 18 décembre 2008 : « Dans le port de Hambourg […] 157 hectares en centre ville, à 800 mètres seulement de l’hôtel de ville […] une vraie ville dense et passante comme l’urbanisme contemporain peine à en produire, mixant logements, commerces, bureaux, culture, équipements de proximité autour d’espaces publics généreux ». On trouvera sur le site du quotidien cet article très intéressant qui évoque notamment un mode original de fabrique de la ville marqué par une très grande maîtrise de la part de l’aménageur.

Site officiel de Hafen City: http://www.hafencity.com/

Est-ce que cela fonctionne ? Est-ce que cela vit bien ?

La tour Marco Polo

Notre visite intervient à ce stade particulier d’une très grosse opération d’aménagement en cœur de ville où la ville existante coexiste avec celle en production et la nouvelle qui vient d’être livrée. Mais déjà, le quartier a fière allure, il fourmille de vie, et ce qui est produit est loin de faire pâle figure auprès des pourtant extraordinaires cathédrales industrialo-portuaires des siècles passés, au premier rang desquels les anciens entrepôts de Speicherstadt.

Malgré une très forte densité, parfaitement assumée, la bonne gestion des échelles et des espaces fait qu’on ressent le sentiment de puissance qui se dégage d’autres secteurs plus anciens de la ville, mais sans se sentir écrasés. En fait, la succession d’immeubles très massifs est aérée sans être cassée par des jeux subtils de transparences et de discontinuité, mais aussi par d’impressionnant porte à faux côtés bassins portuaires qui viennent élargir les espaces publics.


En bref, malgré des dimensions colossales et l’environnement portuaire, on reste nettement dans une trame urbaine… et pas juste une succession d’objets architecturaux.

La magie et la séduction sont elles là ?

C’est une très grosse opération. La magie et la puissance romantique de la ville de Hambourg, qui transpire avec une belle arrogance son passé hanséatique ne sont pas brisées, mais plutôt prolongées par les espaces modernes de Hafen-City. Même si ces derniers accueillent ou accueilleront des objets très forts (Elbphilarmonie, par les architectes Herzog et de Meuron, musée des sciences, par Rem Koolhas), cela ne tourne pas encore à ce jour à la rivalité stérile d’objets architecturaux comme on peut maintenant l’observer à Bilbao ou à Gênes.

Parce que l’échelle est maîtrisée, parce que le liant est travaillé, les bâtiments « restent à leur place ».

Quelles rencontres ?

Des ouvriers de la construction, des salariés d’immeubles de bureaux, des habitants (il y en a 1400 sur le 12000 prévus) qui se croisent à l’heure du petit déjeuner dans une appétissante boulangerie flambant neuve…


Une asiatique en survêtement de satin rose pratiquant son Taï Chi sous le porte a faux d’un immeuble de bureaux du Dalmannkai.

Gadgets, détails, anecdotes…

Des espaces publics très bavards, très dépensiers, et parfaitement médiocres. Les quelques bonnes idées sont noyées dans une débauche de détails et de tentatives mal abouties. C’est la cacophonie entre des parements de briques redondant avec le travail plus convaincant des façades d’immeubles, des matériaux et types de revêtement multiples, des bancs, osons le dire, vraiment laids.



Plus intéressante, la façon dont ont été conservés et valorisés des grues portuaires, des pontons, des bateaux…

Le magnifique belvédère aménagé au pied de l’immeuble « Marco Polo » en cours de construction et a proximité de terrains vagues, nous pose tout à coup la question des espaces de rêve et de liberté : y aura-t-il des espaces non dessinés, non traités par l’opération ? On se prend à réver que ce belvédère, conservé, marque le point de départ d’un espace modeste dont on laisserait le devenir en suspens… (Ce belvédère a été aménagé dans le cadre du projet de l'Union européenne WATERFRONT COMMUNITIES au sein du programme INTERREG III B NORTHSEA

Le belvédère et à l'arrière plan le terminal des ferries, construit à partirde containers

Du côté du cycliste urbain ?


Un quartier parfaitement accessible par le vélo et les transports en commun, mais encore difficile à tester sur deux roues en raison des travaux.

La « leçon d’aménager moins » ?

  • Se donner le courage de la densité en s’inspirant des portions de ville où elle est déjà en place depuis longtemps ;
  • Ne pas lâcher les pieds d’immeubles aux promoteurs attributaires des parcelles, mais en faire un outil de la cohérence du quartier ; Dans les faits, cela revient à aménager moins car il n’y a pas à redonner une cohérence après coup.

A copier, à rêver, ou à oublier ?

A copier, pour la maîtrise, à rêver, pour l’énergie vitale du lieu, à oublier, pour les grands espaces publics de bout de quai.


Notre tandem d’urbanistes / perceptions croisées :

Une arrive vespérale époustouflante en raison du site, spectaculaire, de la météo, wagnérienne, et de notre première prise de contact avec le site : à 150 mètres de haut dans le doux tangage de la nacelle d’un ballon captif.

2 commentaires:

  1. Un blog tres interessant !

    Je suis étudiant en architecture et ne peux me contenter que des articles et des cours par toujours représentatifs de la réalité ...

    Continuez comme ca!

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  2. au fait, pour quelle raison avez vous décidé de ne pas aller dans des quartiers tres connus comme Kronsberg à Hanovrer ou le quartier Vauban à Fribourg?
    Manque de temps, d'intéret?

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